Ressources pour la prédication

LA SEMAINE DE PRIÈRE POUR L’UNITÉ CHRÉTIENNE 2017:
Réconciliation – L’amour du Christ nous presse
(cf. 2 Corinthiens 5.14-20)

Ressources pour la prédication

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2017

Réconciliation –  L’amour du Christ nous presse

Ressource pour la prédication : 2 Corinthiens 5.14-20

Préparée par le Rév. Allen G. Jorgenson

Séminaire luthérien de Waterloo, Université Wilfrid-Laurier

 

Considérations

Cette année, la Semaine de prière pour l’unité chrétienne tombe pendant l’année anniversaire de la présentation, par Martin Luther, des 95 thèses, le 31 octobre 1517. Beaucoup de chrétiens protestants considèrent cet événement comme le début de la Réforme. La Fédération luthérienne mondiale (LWF) a choisi, pour souligner cet anniversaire, le thème « Libérés par la grâce de Dieu », avec trois sous-thèmes : La création : pas à vendre, L’être humain : pas à vendre, et Le salut : pas à vendre.  

Les chrétiens répondent de diverses façons au phénomène même de la Réforme et aux événements marquants associés au seizième siècle sous ce titre. D’aucuns regrettent les deux, tandis que d’autres les célèbrent et que d’autres encore voient en eux ces nuances de gris qui caractérisent notre chemin de la croix – dans notre présent séjour où nous voyons « dans un miroir et de façon confuse ». (1 Cor. 13.12) Lorsque l’Église prie pour l’unité, en cette 500e année, elle se rend compte que nous ne pouvons deviner avec certitude les desseins de Dieu, alors même que nous confessons que « nous savons d’autre part que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, qui sont appelés selon son dessein ». (Rm 8.28) L’énoncé de Paul ne justifie aucunement la division et la douleur associées à nos temps tumultueux, tout en confessant que Dieu tire du bien d’une douloureuse histoire marquée de motifs mixtes, de héros imparfaits et de doigts accusateurs.

La LWF a pris soin de ne pas associer au mot « célébrer » ce  « 500e anniversaire », mais beaucoup s’étonnent de voir célébrer la fidélité de Dieu envers l’Église catholique, ressentant chez cette épouse blessée le regard de son Bien-aimé, lequel la rend aimable, d’où le sujet de l’adjectif « nouvelle » (2 Co 5.17), qu’on trouve dans le texte proposé à l’examen lors la Semaine de prière pour l’unité chrétienne par le Conseil des Églises de l’Allemagne, à l’invitation du Conseil œcuménique des Églises. Pour ce qui suit, lisez attentivement  2 Co 5.14-20, le texte d’où provient le thème de cette année, qui fait écho à la citation du pape François dans son exhortation apostolique de 2013 Evangelii Gaudium (La joie de l’évangile).

Texte

La lettre de Paul surnommée deuxième lettre aux Corinthiens diffère de sa première sous deux aspects. Premièrement, elle n’a pas le caractère d’une réponse pastorale systémique à une série de questions claires, mais plutôt  le caractère de pression et d’attraction d’un vibrant plaidoyer. Deuxièmement, il n’est pas évident qu’il s’agisse là d’une lettre cohérente et entière. Des érudits divergent sur la provenance de ce texte qui plaide en faveur de l’évangile, tout en défendant le ministère de Paul. Il apparaît clairement qu’entre la première lettre et celle-ci (ou ce recueil de lettres) repose une situation de conflit à peine ébauchée et théoriquement faible. Paul est accusé par ses adversaires d’être faible et de parole nulle (2 Co 10.10). Ses adversaires semblent s’appuyer lourdement sur leur identité pour fonder leur crédibilité (2 Co 11.22) et, confiants, ils prêchent « un autre Jésus » (2 Co 11.4). Sans aucun doute, quelle que soit la genèse de la version finale de la lettre (qu’elle soit une compilation de divers documents ou n’en représente qu’un seul), nous avons sous les yeux une magistrale œuvre littéraire  qui nous révèle que les besoins concrets de l’Église de Jérusalem sont plus importants et plus pressants que la médisance et la surenchère marquant l’Église corinthienne d’alors. D’aucuns avancent que l’œuvre, dans son ensemble, peut se diviser en trois parties : le rétablissement, par Paul, de son lien avec la communauté (chapitres 1-7), en préparation pour la collection pour l’Église de Jérusalem (chapitres 8-9) et sa troisième visite prochaine à Corinthe (chapitres 10-13). Même si le passage à l’étude vient de la première de ces trois parties, ce serait une erreur d’imaginer que ce texte ne sert qu’à affirmer  la place de Paul en tant que tête dirigeante de la communauté. En fait, l’objet de la préoccupation de Paul est que la place de Jésus comme chef et Seigneur soit usurpée par des soi-disant apôtres.   

Le texte à l’étude commence par la phrase percutante « L’amour du Christ nous presse, à cette pensée qu’un seul est mort pour tous et donc que tous sont morts. Et il est mort pour tous afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux. » (2 Co 5.14, 15) Paul place son ministère sous la gouverne du Christ, incitant ses lecteurs à embrasser, par-delà lui-même, celui qui est mort pour tous. Mourir pour tous, tel est l’amour du Christ. Des érudits soulignent l’ambiguïté de cette expression « l’amour du Christ ». D’une part, on pourrait l’interpréter comme l’amour que j’ai pour le Christ, tandis que d’autre part, elle pourrait très bien signifier l’amour qu’a le Christ a pour moi. Beaucoup opinent que Paul parle des deux à la fois, mais si on fait une lecture plus approfondie de son œuvre dans cette lettre et dans son corpus, il apparaît clairement que l’amour du Christ pour moi est la condition de la possibilité de mon amour pour le Christ, et que, par conséquent, il le précède (voir particulièrement Rm 5.10).  

Le passage suivant ébauche les contours de cet amour pour le Christ. Nous apprenons, au verset 16, que nous n’approchons plus personne « selon la chair » (katasarka). Il est rappelé que la chair (sarx) n’est pas, pour Paul, le corps en soi, mais une manière d’être dans un monde replié sur lui-même (voir Rm 7.14 : sarkinos). En revanche, nous ne percevons maintenant de cette façon ni le Christ, ni les autres. Au contraire, « Aussi, si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature ». (2 Co 5.17) Le grec de ce texte est précis et dépouillé : « Aussi, si quelqu’un dans le Christ : nouvelle créature ». On laisse au lecteur le soin d’insérer les verbes. Le lecteur peut se rappeler que le texte a été traduit de manière que la « nouvelle créature » renvoie spécifiquement à la personne croyante (il ou elle est une nouvelle créature), tandis la NRSV imprime à la version une orientation légèrement différente (« il y a une nouvelle création »). La NRSV étend l’implication de l’œuvre du Christ au-delà des seuls croyants, c’est-à-dire au monde entier. Cela semble se retrouver au verset 19 : « c’était Dieu qui, en Christ, réconciliait le monde (kosmon) avec lui-même ». Une telle portée de la rédemption embrasserait, bien entendu, la personne croyante; les deux sens du mot « création » sont donc valides.

Paul affirme, à la suite de son mot sur la nouvelle création, que « le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là » (2 Co. 5.17b). Voilà un aveu des plus intéressants aux yeux de quiconque lit le texte â l’ombre de l’historique de l’interaction entre Paul et les Corinthiens : les vieilles plaies suppuraient encore et l’on ne parlait pas de trêve, encore moins de paix. Voilà qui explique pourquoi des théologiens interprètent ici le langage de Paul dans une optique eschatologique. Il semble que l’amour infini de Dieu soit déjà ou ne soit pas encore à l’œuvre dans le monde. Les croyants vivent cette tension, dans laquelle ils se nourrissent d’une expérience qui ne trompe pas, puisqu’elle nous est donnée par l’Esprit Saint (Rm 5.1-5). Mais comment vivre sous cette tension? Dans les passages suivants, Paul parle éloquemment du ministère (tin diakonian) et du message de (ton logon) de la réconciliation (2 Co 5.8, 19). Cette dernière est fondée en premier lieu sur l’action de Dieu, le premier Agent de réconciliation, puis sur l’activité de Dieu dans le Christ, mais pourtant nous ne sommes pas sans importance dans cette activité, puisque « nous sommes ambassadeurs du Christ. » (2 Co 5.20) Cette dernière phrase est une simple locution verbale en grec (hyper Christououn prespeuomen). Le verbe est dérivé du nom « presbyter » et présume donc que le ministère comporte une certaine gravité, en vertu de notre expérience du Christ et en lui. Ceux qui s’engagent dans le ministère de la réconciliation en possèdent donc une connaissance intime, en vertu de quoi ils, y sont poussés, en dépit des forces contraires.

Contexte

Les lecteurs canadiens de ce texte axé sur la réconciliation ne peuvent s’empêcher de penser à la Commission Vérité et Réconciliation, qui a récemment complété ce travail et préparé une liste de 94 recommandations pour le travail visant à établir de justes relations entre les peuples colonisateurs et autochtones du Canada. Les gens se rappelleront la TRC antérieure de l’Afrique du Sud, de même que l’usage contemporain de ce mot en politique, au sein de la famille et de l’Église, etc. Durant la Semaine de prière pour l’unité chrétienne dans le contexte canadien, le traitement par Paul de la réconciliation et les usages contemporains de ce mot ancien peuvent nous instruire mutuellement dans nos réflexions sur ce que signifie être des communautés de réconciliation en ce 500e anniversaire de la Réforme. Le phénomène de la Réforme et les travaux œcuméniques actuels peuvent gagner à être éclairés par le texte de Paul et par les diverses formes de réconciliation que nous vivons dans l’Église et par-delà elle.

Il persiste, à la lecture de 2 Co 5.14-20, une dure vérité selon laquelle une nouvelle création est fracturée à la fois par l’injustice subie par beaucoup de personnes à la demande de l’Église et par les divisions inextricables entre les communautés chrétiennes qui persistent encore de nos jours. Ces deux phénomènes ne sont sûrement pas indépendants; il nous faut sûrement entendre l’appel final de Paul du texte à l’étude : « Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu. » (2 Co 5.20) Il ne saurait y avoir de réconciliation sans paix, ni de paix sans justice, mais nous apprenons de bonnes nouvelles de saint Thomas d’Aquin qui, en commentant ce texte, nous rappelle que « le Christ est la justice même. » Donc, non seulement les Églises savent-elles notre faiblesse et notre péché, mais elles savent aussi que le Christ en nous nous forme à l’image du Christ. Le Christ, dans sa justice, encadre notre façon d’être dans le monde. Notre participation à l’œuvre réconciliatrice de Dieu nous immerge par l’entremise de nouvelles façons de voir la nouveauté de notre monde et de l’Église dans le Christ et d’y travailler à la nouveauté du monde et de l’Église dans le Christ.

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