Une lettre au ministre de la Justice sur la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation (LPCPVE)

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11 avril 2016

L’honorable Jody Wilson-Raybould
Ministre de la Justice et procureure générale du Canada
Députée de Vancouver Granville
Chambre des communes
Ottawa, ON K1A 0A6

Télécopieur : 613-992-1460
Courriel : minister@justice.gc.ca; Jody.Wilson-Raybould@parl.gc.ca

Objet : Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation

Madame la Ministre,

Nous venons réaffirmer notre position sur la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation (LPCPVE). Le 15 avril 2014, nous écrivions au ministre de la
Justice pour lui faire des recommandations quant à la protection des personnes victimes d’exploitation sexuelle commerciale au Canada et aux moyens de protéger les populations vulnérables de toute exploitation future. Nous espérons poursuivre cette conversation avec vous.

Ci-joint, des pièces de correspondance exposant nos recommandations. Dans celle du 15 avril 2015, nous écrivions : « Nous croyons qu’il faut cesser de voir dans la prostitution, non pas une vocation choisie, mais un affront à l’égalité des sexes et une violence faite aux femmes, aux enfants et aux populations marginalisées. »

Dans un document intitulé « Mémoire du Groupe de travail sur la traite des personnes au Canada » adressé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne », en date du 7 juillet 2014, nous écrivions :

« le Projet de loi C-36 fait écho aux valeurs canadiennes de l’égalité des sexes et de l’engagement à l’égard de la justice sociale … il faut que le Canada mette en place des lois et des systèmes capables de créer une culture d’égalité , vu le nombre disproportionné des personnes impliquées dans le commerce du sexe à être âgées de moins de 18 ans, marginalisées et vulnérables (‘autochtones, immigrés et victimes d’agressions sexuelles’1), ), de sexe féminin et à désirer se retirer du commerce du sexe »

Tout en appuyant de façon générale la LPCPVE, nous avons un bon nombre de suggestions susceptibles, à notre avis, d’accroître nos efforts pour prévenir l’exploitation sexuelle commerciale et pour protéger ceux qui subissent les effets néfastes de ce commerce. Nous nous penchions, dans notre Mémoire, sur des préoccupations à l’égard de la LPCPVE dont plusieurs demeurent valides :

1. Décriminaliser totalement les personnes prostituées

Nous étions certes heureux que la LPCPVE soit adoptée avec des paramètres plus clairs que « endroit situé à la vue du public » (qu’on trouvait originalement au paragraphe 213 (1) et (2), mais notre correspondance avec le ou la ministre de la Justice a toujours plaidé pour la décriminalisation totale des personnes prostituées.

2. Effacer le casier judiciaire des victimes et des survivants

En décriminalisant ceux qui vendent le sexe, la LPCPVE reconnaît que ceux-ci sont souvent marginalisés et victimisés par le commerce du sexe et qu’en les criminalisant, on crée tout simplement d’autres obstacles à leur retrait. Ces derniers demeurent cependant dressés contre ceux qui étaient criminalisés par les lois antérieures à la LPCPVE. Nous vous demandons d’envisager un processus consistant à supprimer le casier judiciaire de ceux qui seraient maintenant considérés comme protégés.

3. S’attaquer à la pauvreté comme mesure de prévention

Nous savons d’expérience que la pauvreté représente un important facteur qui pousse les individus à se livrer à la prostitution. Nous voulons donc inciter à faire de nouveaux efforts pour assurer la sécurité des exploités et à en faire davantage pour éliminer les conditions menant à la pauvreté, la prostitution et la violence. Le Conseil canadien des Églises appuie depuis longtemps les efforts faits par tous les partis pour concevoir et mettre en œuvre une Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté dotée de mécanismes de reddition de comptes publics. Par conséquent, la présente demande nous offre l’occasion de réitérer notre suggestion de promulguer une Loi fédérale contre la pauvreté qui, en s’adjoignant les initiatives provinciales et territoriales, assurerait l’engagement et la responsabilité du fédéral eu égard aux résultats.

4. Campagne de sensibilisation du public

Dans notre mémoire au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, nous pressions le Gouvernement du Canada d’accompagner cette nouvelle loi d’une importante et hautement visible campagne d’éducation et de sensibilisation du public, pour faire en sorte d’épouser l’esprit et l’objectif de la loi proposée. Nous croyons que ce n’a pas été le cas après la mise en œuvre de la LPCPVE. Nous aimerions voir s’amorcer une campagne d’éducation et de sensibilisation du public menée en étroit partenariat avec les victimes de la traite et les organismes de services sociaux, dans une optique de prévention et de protection.

Par ailleurs, notre groupe est trop souvent confronté aux horribles réalités que vivent, jour après jour, bien des femmes et des filles autochtones du Canada, et nous reconnaissons les chevauchements entre l’exploitation sexuelle commerciale et la disparition de femmes et de filles autochtones. Nous allons faire parvenir à votre bureau (et à ceux des ministres Bennett et Hadju) d’autres documents ayant pour objet le processus d’enquête nationale et notre incitation à vous pencher sur les questions d’exploitation sexuelle.

En terminant, nous comprenons que vous vous vous proposez de mener des consultations au sujet de la LPCPVE. Nous reconnaissons également qu’il y a encore beaucoup à faire et nous vous pressons de songer à accompagner la LPCPVE de politiques, de lois, de pratiques et de campagnes publiques susceptibles de mieux protéger les plus vulnérables à l’exploitation et montrer la prostitution sous son vrai visage : celui de la violence contre les femmes.

Merci de votre attention. Nous souhaiterions avoir l’occasion de vous rencontrer pour discuter de ces problèmes et vous demanderions de songer à nous lorsque vous planifierez des rencontres de consultation. Soyez assurée de nos prières pour votre travail et votre sécurité, tout comme ceux de vos collègues du gouvernement. Puissent vos efforts faire du Canada un pays plus juste et plus équitable.

Je vous prie d’accepter, Madame la Ministre, l’expression de mes sentiments distingués,

Jennifer Lucking

Présidente, Human Trafficking in Canada Working Group

L’honorable Carolyn Bennett, députée, ministre des Affaires autochtones et du Nord Canada

L’honorable Patty Hajdu, députée, ministre du Statut de la femme

L’honorable Rob Nicholson, critique en matière de justice, Parti conservateur du Canada

Michael Cooper, critique en matière de justice, Parti conservateur du Canada

Murray Rankin, critique en matière de justice, Nouveau Parti démocratique du Canada

Rhéal Fortin, critique en matière de justice, Bloc Québécois

Elizabeth May, députée, leader du Parti Vert du Canada

La Rév. chanoine Alyson Barnett-Cowan, présidente, Le Conseil canadien des Églises

La Rév. Karen Hamilton, secrétaire générale, le Conseil canadien des Églises

1 – Canadian Women’s Foundation, “End human trafficking.” http://www.canadianwomen.org/trafficking

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