Les objecteurs de conscience au Canada – un lettre au Ministre de l’Immigration, des Refugiés et de la Citoyenneté

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29 mars 2016

L’honorable John McCallum
Ministre de l’Immigration, des Refugiés et de la Citoyenneté
365 Avenue Laurier Ouest
Ottawa, Ontario K1A 1L1
Canada
Courriel : minister@cic.gc.ca; john.mccallum@parl.gc.ca

Objet : Les objecteurs de conscience au Canada

Monsieur le Ministre

Permettez-moi de vous faire part, au nom de la Commission Justice et Paix du Conseil canadien des Églises, de notre appui aux objecteurs de conscience américains à la guerre en Irak (communément appelés « résistants à la guerre ») qui ont cherché refuge au Canada. Nous vous pressons d’accorder à ces résistants le statut de résidents permanents, pour qu’ils
puissent jouir un avenir assuré au Canada, à l’abri de toute persécution.

Beaucoup de personnes, dont le Conseil œcuménique des Églises, le pape Jean-Paul II et de nombreux dirigeants chrétiens du Canada et du monde entier, condamnaient comme injuste
l’invasion de l’Irak en 2003. Comme vous le savez également, Jean Chrétien, le premier ministre canadien d’alors, avait refusé d’appuyer les États-Unis dans ce conflit. Plusieurs Églises
membres du Conseil canadien des Églises accordent leurs soins et leur appui aux résistants à la guerre depuis janvier 2004, moment où les premiers d’entre eux sont entrés au Canada.

Plus de douze ans plus tard, notre inquiétude grandit : le problème demeure irrésolu, laissant à eux-mêmes les résistants à la guerre américains et leurs familles qui, établis au Canada,
contribuent à la vie communautaire locale.

Le gouvernement a pris, ces dernières années, de nombreuses mesures qui ont rendu difficile de porter un jugement équitable sur des demandes faites par les résistants américains. On
relève, parmi ces mesures :
• Traiter publiquement des objecteurs de conscience de « faux demandeurs d’asile »1 pendant que leurs cas étaient devant la Commission de l’immigration et du statut deréfugié du Canada ou des tribunaux fédéraux;
• adresser aux fonctionnaires de l’immigration une directive ciblant particulièrement les demandes faites par des déserteurs militaires venus des États-Unis;2

• applaudir à l’annonce, à la Chambre des communes, de l’arrestation de l’ancienne combattante de l’armée américaine et objectrice de conscience Kimberly Rivera, après sa condamnation à la déportation.

Au même moment, une majorité de députés a voté, à deux différentes occasions (en juin 2008 et en mars 2009), en faveur d’une proposition du Comité permanent sur la Citoyenneté et de l’immigration demandant au gouvernement de mettre immédiatement en œuvre un programme permettant aux objecteurs de conscience américains de demeurer au Canada et de mettre fin aux procédures de déportation entreprises contre ces personnes.

Nous croyons que le Gouvernement du Canada pourrait, facilement et de façon positive, résoudre la situation des résistants américains à la guerre, en leur permettant tout simplement de demeurer pour des motifs d’ordre humanitaire.

Une autre voie d’approche consisterait à prendre des mesures visant à rétablir un processus juste et impartial. Cette première mesure requerrait la révocation du bulletin opérationnel 202, émis en juillet 2010. Le premier paragraphe de la directive stipule que les militaires en quête de refuge au Canada pourraient aussi être des criminels dangereux, donc inadmissibles au Canada, puisque la désertion constitue un crime grave dans certains pays. Décourager le personnel militaire pour l’empêcher d’accorder aux objecteurs de conscience la jouissance de leurs droits garantis par le Manuel des Nations Unies pour les réfugiés n’est pas conforme à l’adhésion du Canada aux normes des droits humains universels.

Dans un deuxième temps, nous croyons qu’il faudrait mettre un frein aux poursuites des cas de résistance à la guerre. En mettant immédiatement un frein au litige actuellement devant les tribunaux, on permettrait aux décideurs d’examiner ces cas à l’abri de l’influence négative créée par des politiques et des pratiques.

Finalement, pour rétablir la justice pour tous les cas de résistance à la guerre, nous proposons d’émettre une nouvelle directive ou un nouveau bulletin opérationnel donnant avis aux fonctionnaires de l’immigration qu’il existe des motifs humanitaires justifiant une renonciation aux termes de l’article 25 de la LIPR pour les personnes qui ont quitté les forces armées américaines à cause de leur objection de conscience contre la justice de la guerre de l’Irak de 2003, et donner instruction aux de l’immigration d’accorder la primauté à ces facteurs lors de l’examen des cas d’objecteurs de conscience.

L’objection de conscience au service militaire de la part de résistants à la conscription ou de déserteurs est un motif fort reconnu pour accorder la protection aux réfugiés, tant au Canada qu’à l’échelle internationale. En notre qualité d’Églises, nous accordons une signification particulière aux droits de la conscience et de religion, dans nos efforts pour encourager les humains à vivre une vie de fidélité. Nous sommes d’avis qu’il faudrait accorder un soutien humanitaire aux personnes qui ont suivi les dictées de sa conscience en refusant de participer à une guerre et, qui plus est, à une guerre largement reconnue comme une violation de la Charte des Nations Unies3, pour se rendre par la suite au Canada. Leurs croyances sont protégées selon le droit national et international, et il serait regrettable qu’on facilite (ci-joint notre correspondance antérieure avec le ministre et notre note d’information sur les arguments théologiques et juridiques à l’appui de l’objection de conscience).4

Merci de l’attention et de l’intérêt que vous portez à ce problème. Nous attendons avec impatience une réponse de votre part et accueillerions avec plaisir l’occasion de discuter avec vous de cet objet de nos communes préoccupations.

Dans la paix,
Mike Hogeterp
Président, Commission Justice et Paix

Pièce jointe :
Lettre au ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme avec
document d’information sur les arguments théologiques et juridiques à l’appui des
objecteurs de conscience à la guerre. 15 mai 2012.

c.c. Le très honorable Justin Trudeau, député, Premier ministre du Canada
L’honorable Michelle Rempel, députée, critique en matière d’immigration, de réfugiés
et de citoyenneté, Parti conservateur du Canada of Canada
Jenny Kwan, députée, critique en matière d’immigration, de réfugiés et de citoyenneté,
Nouveau Parti démocratique du Canada
Mario Beaulieu, député, critique en matière d’immigration, Bloc Québécois
Elisabeth May, députée, leader du Parti Vert du Canada

1 http://www.cbc.ca/news/canada/kenney-s-comments-prejudice-hearings-for-war-resisters-critics-say-1.781908
2 http://www.cic.gc.ca/english/resources/manuals/bulletins/2010/ob202.asp
3 Pour sa part, le secrétaire général de l’ONU du temps, Kofi Annan, a déclaré que l’invasion américaine était
illégale et non conforme à à Charte des Nations Unies. http://news.bbc.co.uk/2/hi/middle_east/3661134.stm
4 http://councilofchurches.ca/wp-content/uploads/2015/02/Conscientious-Objectors-May-15-2012-FinalEN.pdf

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